La réglementation sur les injections d’acide hyaluronique à visée esthétique a évolué de manière significative ces dernières années en France et plus largement en Europe, principalement pour renforcer la sécurité des patients et encadrer les pratiques.
Les autorités sanitaires ont dû renforcer la réglementation en réponse à des incidents liés à des injections réalisées par des non-professionnels, entraînant des effets indésirables graves comme des infections ou des nécroses de la peau.[1] Dès 2015, la Commission européenne avait d’ailleurs considéré dans un avis que « les risques associés à l’utilisation de produits de comblement cutané permanents justifient l’interdiction de leur utilisation à des fins purement esthétiques. »[2]
Le Décret n° 2024-490 du 29 mai 2024, récemment publié et qui entrera en vigueur le 29 juin, est l’une de ces évolutions importantes, spécifiquement axé sur la vente de dispositifs contenant de l’acide hyaluronique sous forme injectable.
Avant d’entrer dans les détails du décret, il est essentiel de comprendre l’environnement européen dans lequel celui-ci s’inscrit. Le Règlement (UE) 2017/745[3] (ci-après « MDR ») du Parlement européen et du Conseil, modifié par le Règlement d’exécution (UE) 2022/2346 de la Commission, établit les spécifications communes pour les dispositifs médicaux et inclut des groupes de produits sans destination médicale prévue. Ces règlements visent à harmoniser les normes de sécurité à travers l’Union européenne et à assurer une surveillance rigoureuse des dispositifs médicaux mis sur le marché.
Le MDR a modifié le statut des produits de comblement des rides, les classant désormais en tant que dispositifs de classe III implantable, alors qu’ils étaient précédemment classés comme dispositifs « invasifs », rendant dès lors leur vente interdite à l’officine. Cette nouvelle classification impose de fait une traçabilité plus stricte à l’égard de ces produits à des fins de sécurité sanitaire. Cela inclut l’enregistrement des coordonnées du patient et l’identifiant unique des dispositifs (IUD) lors de leur délivrance.
Afin de toujours permettre leur référencement à l’officine, l’arrêté du 1er septembre 2023 est venu modifier l’arrêté du 15 février 2002 fixant la liste des marchandises dont les pharmaciens peuvent faire le commerce dans leur officine. Ont été ajoutés à la liste des marchandises :
C’est dans ce contexte que le Décret n° 2024-490[4] apporte plusieurs modifications au Code de la santé publique (Art. R.5211-72 et -73) dont les principales dispositions sont les suivantes:
La fourniture de dispositifs médicaux injectables contenant de l’acide hyaluronique est désormais soumise à prescription médicale. Cette mesure s’applique à tous les dispositifs injectables contenant cette substance, indépendamment de leur mode d’introduction (y compris intradermique).
Ces dispositifs ne peuvent être mis à disposition qu’aux médecins et chirurgiens-dentistes pour leur usage professionnel. Les patients peuvent y accéder uniquement sur prescription médicale.
Cette restriction s’étend également aux produits injectables sans destination médicale prévus à l’annexe XVI du Règlement (UE) 2017/745.
La mise en œuvre du Décret n° 2024-490 implique plusieurs ajustements pour les différents acteurs du secteur des dispositifs médicaux :
Le Décret n° 2024-490 du 29 mai 2024 marque une étape importante dans la régulation des dispositifs médicaux contenant de l’acide hyaluronique injectable. En imposant une prescription médicale obligatoire et en restreignant l’accès à ces produits aux seuls professionnels de santé, le décret vise à renforcer la sécurité des patients et à prévenir les risques associés à une utilisation inappropriée.
Pour les professionnels de la santé, les fabricants et les distributeurs, il est crucial de se conformer à ces nouvelles exigences réglementaires. Une attention particulière devra être portée à la mise à jour des pratiques de vente, à la formation des équipes et à l’information des clients pour assurer une transition harmonieuse et conforme à la législation en vigueur.
En intégrant ces nouvelles dispositions, le secteur des dispositifs médicaux pourra continuer à évoluer tout en garantissant une sécurité maximale pour les utilisateurs finaux.
Article co-écrit avec Nina MIHALIC, Doctorante en Droit International Privé & Droit de la Santé
Sources:
[1] Site de l’ANSM
[2] Avis de la Commission du 22 juillet 2015 sur la mesure adoptée par les Pays-Bas interdisant l’utilisation de produits de comblement cutané permanents à des fins esthétiques
[3] Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE
[4] Décret no 2024-490 du 29 mai 2024 relatif à la vente de dispositifs contenant de l’acide hyaluronique sous forme injectable